le 8 décembre 2014

21.4.1072

Contexte

Les fonctionnaires s'estimant lésés étaient affectés à l'extérieur de la région de l'Administration centrale et effectuaient des déplacements quotidiens pendant des périodes de cinq mois à un an. Au moment de rembourser les fonctionnaires s'estimant lésés pour leurs frais de déplacement vers les lieux d'affectation, l'employeur a soustrait la distance entre la résidence des employés et leur lieu de travail habituel de la distance parcourue, au lieu de rembourser la totalité de la distance parcourue. À l'audience au deuxième palier, l'ALM a indiqué que le remboursement d'une distance de déplacement rajustée, plutôt que de la distance totale, en situation de déplacement, était une mauvaise application de la Directive sur les voyages et a accueilli le grief en partie. Cependant, il a été considéré que le grief était de nature continu. En conséquence, les mesures correctives ont été limitées à 25 jours ouvrables avant le moment de la présentation du grief, conformément aux principes établis dans Coallier (C.A.F., 1983).

Présentation de l'agent négociateur

Les quatre fonctionnaires s'estimant lésés ont été affectés à des postes situés à l'extérieur du rayon de 16 km de la région de leur administration centrale. Par conséquence, leur lieu de travail a changé temporairement, étant donné que chacun d'eux a signé une entente comportant une date de début et une date de fin. En raison des affectations, les employés étaient admissibles à l'indemnité (pour le kilométrage et les repas) établie dans la Directive sur les voyages à partir du début de leur affectation.

En août 2012, l'un des fonctionnaires s'estimant lésés s'est vu refuser une partie de la demande qu'il avait remplie comme il le faisait d'habitude pour le remboursement du kilométrage de son domicile à son nouveau lieu de travail. À ce moment-là, on l'a informé par courriel d'une nouvelle interprétation de la Directive pour les frais remboursables pendant les affectations. Un représentant des finances lui a mentionné qu'à partir de maintenant la demande de remboursement serait réduite au kilométrage entre son domicile et son lieu de travail habituel et a ajouté que la nouvelle interprétation était en vigueur de façon rétroactive depuis le 1er juillet 2012. L'employé a tenté d'obtenir de plus amples renseignements sur la nouvelle interprétation, notamment en demandant une copie de la note de service qui établit la nouvelle Directive, et il a obtenu la réponse selon laquelle il n'en existait aucune. Les fonctionnaires s'estimant lésés en question n'ont obtenu aucune explication, si ce n'est que le Ministère avait apparemment déjà présenté de tels cas au Conseil du Trésor et qu'on lui avait apparemment donné cette interprétation.

Par conséquent, le grief a été déposé en mai 2013. Le grief a été rejeté au premier palier, mais accueilli au deuxième palier en fonction de la décision Lannigan et al. c. Conseil du Trésor (2012 CRTFP 31) et des décisions du Comité exécutif du CNM 21.4.965 et 21.4.967, dans lesquelles tout le kilométrage parcouru par les employés en affection ou en détachement à l'extérieur de la région de leur administration centrale doit leur être remboursé.

Le représentant a indiqué que le deuxième palier a donner droit au grief selon son bien-fondé, mais que la question fondamentale du grief est que l'employeur a estimé qu'il s'agissait d'un grief continu et que, en conséquence, il a limité le remboursement aux 25 jours ouvrables précédant le dépôt du grief. Le représentant de l'agent négociateur a toutefois fait valoir que le grief ne peut être traité comme un grief continu et que les mesures correctives ne peuvent être limitées à ce qui pourrait être accueilli dans le cadre d'un grief continu.

Premièrement, la décision a été prise à un moment précis et a été communiquée aux employés, mais de façon non officielle puisque l'employeur n'a fait parvenir aucune note de service. En août 2012, l'un des fonctionnaires s'estimant lésés a été informé de la nouvelle procédure que l'employeur appliquait la nouvelle interprétation de façon rétroactive à partir du 1er juillet 2012. En septembre 2012, l'un des fonctionnaires s'estimant lésés a été informé qu'il n'existait aucune note de service. Cinq jours plus tard, le délégué syndical a envoyé un courriel à son superviseur immédiat, conformément à l'article 32 de la convention collective, afin de suspendre les échéances en vue de protéger les droits de grief et d'être en mesure de poursuivre les discussions avec l'employeur pour trouver une solution. Le délégué syndical a envoyé un courriel aux services financiers dans le but de trouver une solution, mais en vain. Le syndicat a ensuite mené une recherche dans les décisions de la CRTFP et du CNM afin de déterminer le bien-fondé de cette affaire en ce qui concerne la nouvelle interprétation. Le syndicat a tenté d'obtenir une copie de l'interprétation que le Conseil du Trésor aurait donnée au Ministère, mais n'a rien reçu.

Après avoir constaté que l'employeur n'était pas en mesure de fournir la documentation à l'appui de la nouvelle interprétation, le grief a été déposé en mai 2013. Il y a eu une dernière discussion après le dépôt du grief, mais avant que ce dernier soit entendu au premier palier. Les positions du syndicat et de l'employeur étaient irréconciliables.

Le représentant a soutenu qu'à la lumière des mesures prises en vue de suspendre le grief et de tenir des discussions avec l'employeur, l'intention était de protéger le droit aux mesures correctives en fonction de la décision rendue en août 2012. Autrement, il n'aurait pas été nécessaire de suspendre les échéances. Les échéances pour le dépôt du grief ont été suspendues en conformité avec l'article 32 de la convention collective afin de protéger le droit de recours, tout en tentant de discuter avec l'employeur afin de trouver une solution à l'amiable. Le représentant de l'agent négociateur a insisté sur le fait que cela n'a jamais été considéré comme un grief continu; il s'agissait de contester une décision prise à un moment précis auquel on mettait en pratique une nouvelle interprétation. Le représentant a soutenu qu'en conséquence, les employés doivent être indemnisés de façon rétroactive pour toute la période depuis que la nouvelle méthode de calcul a été mise en application, et non pas seulement pour les 25 jours ouvrables précédant le dépôt du grief, en mai 2013.

Le représentant a également souligné que le deuxième palier a donné droit au grief (malgré le désaccord continu au sujet de la période assujettie à la mesure corrective), mais qu'aucun employé n'a reçu un remboursement jusqu'à maintenant, suite au grief accueilli en partie. L'employeur n'a pas mis à exécution la mesure corrective.

Pour toutes les raisons ci‑dessus, le représentant de l'agent négociateur a demandé que le Comité fasse droit au grief et mette à exécution les mesures correctives de façon rétroactive à partir de juillet 2012, puisqu'il ne s'agit pas d'un grief continu, mais d'une contestation de la nouvelle décision de l'employeur. De plus, les échéances ont été suspendues, conformément à la convention collective.

Exposé du Ministère

Le représentant du Ministère a commencé par confirmer que les fonctionnaires s'estimant lésés étaient en déplacement à l'extérieur de la région de leur administration centrale. Par conséquence, leurs repas étaient remboursés, tout comme le total des kilomètres parcourus avant juillet 2012. Cependant, en date de juillet 2012, les kilomètres parcourus, réduits par la distance entre la résidence de l'employé et son lieu de travail habituel, ont été remboursés, ainsi que les repas.

Étant donné la décision du Comité exécutif du CNM (21.4.965 et 21.4.967), le Ministère a reconnu qu'une erreur a été commise dans l'application de la Directive. Lorsque l'erreur a été découverte, le grief a été accueilli au deuxième palier et les mesures correctives ont été mises à exécution en conformité avec la nature continue du grief.

Le représentant du Ministère a souligné que Brown et Beatty, Canadian Labour Arbitration clarifient comme suit la façon de déterminer si les griefs déposés par les fonctionnaires s'estimant lésés peuvent être considérés comme des griefs continus : [traduction] « Les violations continues consistent en des infractions répétitives à la convention collective, plutôt qu'en une simple infraction unique ou isolée […] Dans tous les cas, le critère le plus couramment utilisé pour déterminer s'il y a violation continue est celui qui découle du droit des obligations contractuelles, notamment qu'il doit y avoir une infraction récurrente au droit, et non pas seulement des dommages récurrents. » Le représentant a soutenu que c'était tout à fait le cas pour les fonctionnaires s'estimant lésés. En juillet 2012, chacun a constaté une modification systématique sur ses demandes de remboursement des frais de voyage, car les services financiers ont déduit le kilométrage du voyage de retour entre leur domicile et le lieu de travail pendant leur affectation. Ils ont été victimes d'infractions répétées à la convention collective pendant différentes affectations, plutôt que d'une infraction unique ou isolée. Toutes les demandes à partir de juillet 2012 présentées à différentes dates par les quatre fonctionnaires s'estimant lésés ont été traitées de la même façon.

La même application de la Directive est survenue dans les dossiers 27.4.965 et 21.4.967 et le Comité exécutif du CNM a conclu qu'il s'agissait de griefs continus. Cela a limité le rajustement à 25 jours, conformément aux principes établis dans Coallier. Dans le but de s'assurer que les principes établis dans Coallier et dans les décisions du Comité exécutif du CNM ont été appliqués correctement, le Ministère a obtenu un avis juridique qui réaffirme l'interprétation. Selon l'avis juridique, l'entente de suspension des échéances était claire et visait la préservation du droit de déposer un grief. Cependant, cette entente n'empêchait pas l'application des échéances à l'étendue du rajustement, ce qui est obligatoire.

Le représentant a conclu en mettant l'accent sur le fait que les griefs étaient continus. Par conséquence, l'agent de liaison ministériel (ALM) a limité la portée du rajustement à 25 jours avant la date à laquelle le grief a été déposé, les samedis et dimanches et les jours fériés désignés payés non compris. Si les fonctionnaires s'estimant lésés n'ont pas été traités dans le respect de l'intention de la Directive de façon continue, depuis juillet 2012, l'erreur a été corrigée par l'ALM qui a mis à exécution les mesures correctives en conformité avec le Règlement du CNM et les principes établis par le Comité exécutif du CNM. Pour ces raisons, l'employeur estime que les fonctionnaires s'estimant lésés ont été traités dans le respect de l'intention de la Directive, après la réponse au deuxième palier du CNM, et demande respectueusement que le Comité des voyages en service commandé rejette le grief et la mesure corrective.

Décision du Comité exécutif

Le Comité exécutif a examiné le rapport du Comité des voyages en service commandé et souscrit à sa conclusion selon laquelle la question relative à l'esprit de la Directive sur les voyages a été rectifiée au deuxième palier de la procédure de règlement des griefs. Cependant, le Comité exécutif n'était pas d'accord avec la conclusion que le grief était de nature continue, puisque l'employeur avait changé son interprétation de la Directive sur les voyages et qu'une entente commune avait été conclue de mettre la question en attente pendant les discussions informelles. Par conséquent, les griefs sont accueillis et la mesure corrective est rétroactive au 1er juillet 2012, date à laquelle l'employeur a appliqué la nouvelle interprétation de la Directive.