le 31 janvier 2024
27.4.137
Contexte
Les fonctionnaires s’estimant lésés travaillent à Ministère A et vivent à Ville G, (Province M), et à Ville H, (Province N). Villes G et H sont désignés comme postes isolés (PI) en vertu de la Directive sur les postes isolés et les logements de l’État (la Directive). Les fonctionnaires s’estimant lésés qui résidaient à Ville G ont été avisés le 24 novembre 2011 qu’un avis d’ébullition de l’eau avait été émis pour leurs résidences et ont par conséquent été avisés de ne pas boire l’eau. Des avis d’ébullition de l’eau ont été émis à plusieurs reprises depuis 2011 et ont été levés le 11 janvier 2019. Les fonctionnaires s’estimant lésés de Ville H ont été informés qu’un avis d’ébullition de l’eau avait été émis à une date antérieure pour leur résidence et qu’il a été en vigueur de façon permanente jusqu’en janvier 2019. Pendant que les avis d’ébullition de l’eau étaient en vigueur, le Ministère a fourni aux fonctionnaires s’estimant lésés de l’eau en bouteille pour boire et préparer des aliments. Le 30 novembre 2015, les fonctionnaires s’estimant lésés ont déposé un grief collectif, demandant une réduction spéciale des frais de logement en vertu de l’article 6.8 de la Directive pour la perturbation prolongée du service normal d’approvisionnement en eau.
Grief
Les employés ont déposé un grief concernant le fait que la Directive sur les postes isolés et les logements de l’État (DPILE) a été violée dans le cadre de l’interruption du service d’approvisionnement en eau durant plus de 30 jours et demandent à l’employeur de réduire les frais de logement en conséquence.
Présentation de l’agent négociateur
Le représentant de l’agent négociateur estime que les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas été traités conformément à l’esprit de la Directive. Le représentant a souligné le fait que la Directive prévoit expressément une réduction des frais de location lorsque l’approvisionnement en eau est non potable; toutefois, la réponse du Ministère a été d’affirmer que de l’eau avait été fournie, potable ou non, et qu’aucune réduction des frais de logement n’était donc justifiée. Le représentant a soutenu qu’il est dans la portée et l’esprit de la Directive de réduire les frais de logement lorsqu’un employé est contraint de faire face à de graves problèmes d’entretien et a fait valoir que l’approvisionnement d’eau non potable correspond parfaitement à de graves problèmes d’entretien et, en outre, aux préoccupations en matière de santé et de sécurité.
Le représentant a fait valoir que le Ministère n’a pas rempli ses responsabilités en vertu du paragraphe 6.8.2 de la Directive en ce qui concerne la correction des problèmes d’entretien dans le logement d’un employé. Il a souligné qu’il appartient au Ministère de démontrer qu’ils ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour corriger les problèmes dans les meilleurs délais. Le représentant a soutenu que la fourniture continue d’eau non potable pendant une période de plus de sept ans n’atteint pas ce seuil; cela laisse plutôt entendre que peu d’efforts, voire aucun, ont été déployés pour corriger le problème. Le représentant a fait référence à la décision 24.4.68 du CNM, dans laquelle le Ministère ne conteste pas le fait que l’approvisionnement en eau non potable pose un problème, et qu’il y a consensus sur le fait que cela constitue une perturbation des services normaux, une panne des installations d’approvisionnement en eau et une grave préoccupation en matière de santé et de sécurité. Toutefois, le Ministère soutient que, étant donné que de l’eau était fournie, bien que non potable, il n’y a pas eu interruption des services normaux.
Le représentant a fait référence au paragraphe 6.11.1, qui indique que la Couronne doit fournir et maintenir une habitation en bon état. Le représentant a également fait remarquer que l’eau fournie aux fonctionnaires s’estimant lésés n’était pas conforme aux normes établies par Santé Canada (SC) pour ce qui est des organismes coliformes, du plomb, de la turbidité, des acides haloacétiques, ni au paragraphe 6.11.2, qui précise que les logements doivent être conformes au Code national du bâtiment (le Code) qui, en vertu du paragraphe 9.31.31, rend obligatoire l’approvisionnement en eau potable de chaque logement. Le représentant a fait valoir que la fourniture de cruches d’eau potable à des fins de consommation n’est pas conforme au Code et que l’approvisionnement en eau lui-même doit satisfaire aux normes de SC; la fourniture d’eau en bouteille ne devrait être utilisée qu’à titre de mesure bouche-trou temporaire pour soulager un problème temporaire.
Le représentant a expliqué au Comité comment les problèmes liés à l’eau avaient eu une incidence personnelle sur chaque fonctionnaire s’estimant lésé et leur famille. En outre, le fait de ne pas fournir un approvisionnement en eau potable est contraire à l’objectif de la Directive en créant un effet dissuasif majeur à l’égard du travail dans un poste isolé. Le représentant a soutenu que le Ministère aurait dû faire mieux pour ses employés, plutôt que de forcer les fonctionnaires s’estimant lésés à endurer des conditions inférieures aux normes pendant une période extrêmement longue.
Le représentant a conclu en faisant valoir que la Directive indique clairement quel doit être le niveau de vie des employés travaillant dans des postes isolés, ce qui inclut la fourniture d’un approvisionnement en eau potable, précisant qu’une réduction de loyer de 100 % jusqu’à ce qu’un approvisionnement en eau potable soit installé est envisagée à l’alinéa 6.8.2 a). Le représentant a fait valoir que les fonctionnaires s’estimant lésés demandent une réduction complète de leurs frais de logement pour chaque jour où ils ont été visés par un avis d’ébullition de l’eau. Les fonctionnaires s’estimant lésés et leurs familles ont subi un préjudice indemnisable du fait que le Ministère n’a pas fourni un approvisionnement en eau sûr. Pour ces motifs, le représentant a soutenu que les griefs devraient être accueillis et les mesures correctives accordées.
Présentation du ministère
Le représentant de l’employeur estime que les fonctionnaires s’estimant lésés ont été traités conformément à l’esprit de la Directive. Le représentant a fait valoir que l’article 6.8 de la Directive permet d’indemniser les employés pour les inconvénients importants résultant de problèmes graves non résolus, lorsque les problèmes n’ont pas été réglés dans les 30 jours, tels que le bris de canalisations, entre autres. Cependant, dans le contexte de l’espèce, tous les équipements ont fait l’objet d’une inspection approfondie tous les quatre mois, et rien n’indiquait qu’il y avait un problème mécanique ou d’équipement qui jouait un rôle dans la question de la qualité de l’eau. Le représentant a fait valoir que la question de la qualité de l’eau découlait de facteurs qui échappent au contrôle du Ministère, tels que la source d’eau, les défis associés au lieu éloigné et les conditions météorologiques. Le représentant a déclaré que le Ministère estime que la turbidité de l’eau n’est pas attribuable à une erreur mécanique et que, par conséquent, elle ne satisfait pas aux critères d’un problème d’entretien grave énoncés à l’article 6.8.
La principale préoccupation était la qualité de l’eau aux fins de consommation et de cuisson, qui aurait pu être corrigée en faisant bouillir l’eau avant la consommation pour assurer l’élimination des contaminants et garantir sa sécurité. Néanmoins, le Ministère a corrigé davantage la question en fournissant de l’eau en bouteille sans frais aux employés. Le représentant a soutenu que le Ministère considère qu’il s’agit d’une solution suffisante et raisonnable pour atténuer les effets négatifs sur les fonctionnaires s’estimant lésés. Indépendamment du statut consultatif, le Ministère s’est assuré que ses employés avaient un accès uniforme à de l’eau en bouteille aux fins de consommation et de préparation des aliments, que les employés avaient un accès régulier à de l’eau et aux eaux usées dans leurs résidences et qu’ils avaient de l’eau pour se laver et faire leur lessive. Par conséquent, il n’y a pas eu de perturbation des services normaux.
Le représentant a souligné le fait que le Ministère a protégé ses employés de façon proactive en établissant un système solide qui comprenait des analyses régulières de l’eau, des inspections de l’équipement, la prise de décisions dans l’intérêt des employés, la fourniture d’eau en bouteille, la communication en temps opportun de l’information et des améliorations constantes à l’équipement pour éliminer le problème. Bien que l’avis relatif à l’eau ait été levé en janvier 2019, le Ministère continue de fournir de l’eau en bouteille. De plus, en 2020, le Ministère a installé dans chaque résidence un équipement de traitement de l’eau (système à osmose inverse) supplémentaire pour assurer l’approvisionnement en eau potable directement dans les cuisines des employés.
Le représentant a fait remarquer qu’il n’y avait aucune indication ou preuve que les fonctionnaires s’estimant lésés étaient tombés malades en raison de l’avis d’ébullition de l’eau, et qu’il n’y avait aucune preuve suggérant que l’équipement appartenant au Ministère était fautif ou mal entretenu. De plus, les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas engagé de frais à cet égard. Il a été avancé que les dispositions de la Directive ne devaient pas ouvrir la voie à un gain personnel et, malheureusement, les problèmes de qualité de l’eau sont courants dans les endroits éloignés et isolés, pour lesquels les employés sont déjà indemnisés en vertu de la Directive avec diverses indemnités pour tenir compte des défis liés au travail et à la vie dans une région isolée.
Le représentant a fait référence à la décision 24.4.68 du CNM, soulignant la distinction entre cette décision et la présente affaire. Il a été soutenu que la décision citée se rapporte à un équipement défectueux; toutefois, en l’espèce, les facteurs en cause échappent au contrôle du Ministère et aucun équipement n’a été endommagé ou n’était fautif en ce qui concerne la sécurité de l’eau. De plus, dans la décision susmentionnée, une réduction du loyer a été accordée aux employés puisqu’ils avaient engagé des frais pour l’achat d’eau et en raison du retard dans le règlement du problème, alors que, dans la présente affaire, les fonctionnaires s’estimant lésés n’ont pas été confrontés à un fardeau financier.
Ainsi, pour les motifs énoncés précédemment, le représentant a fait savoir au Comité qu’aucune réduction spéciale ne serait appliquée, étant donné que la fourniture d’eau en bouteille avait permis de régler rapidement les problèmes. Par conséquent, il n’y a eu aucune interruption dans la livraison de l’eau ou les services aux fonctionnaires s’estimant lésés, comme il est indiqué à l’article 6.8. Le représentant a soutenu que les griefs devaient être rejetés et qu’aucune mesure corrective ne devait être accordée. Il a toutefois été indiqué que, si le Comité accueille le grief, toute rétroactivité devrait être limitée aux 25 jours ouvrables précédant la date des griefs.
Décision du Comité exécutif
Le Comité exécutif a pris en compte le rapport du Comité des postes isolés et des logements de l’État (CPILE) et a souligné la préoccupation de celui-ci selon laquelle le niveau de renseignements fournis par les deux parties était insuffisant, ce qui rendait difficile la formulation d’une recommandation. Le Comité exécutif s’est dit d’accord avec la constatation du CPILE selon laquelle les employés s’estimant lésés n’ont pas été traités en conformité avec la DPILE. Conformément à ce qui figure au paragraphe 6.11.1, l’État doit fournir et entretenir la propriété résidentielle dans un état qui correspond aux normes de santé, de sécurité et de logement. Les facteurs qui ont conduit à la décision du Comité comprennent, sans s'y limiter, le fait que le système de distribution d'eau était détenu et entretenu par le Ministère, qu'il y avait différents niveaux de service de potabilité de l'eau entre les résidents de la communauté, et le temps écoulé jusqu'à la reprise d'une fourniture normale acceptable des services, en reconnaissant que l'eau en bouteille a été fournie en tant que service correctif pendant toute la durée de la période du grief. Par conséquent, le grief est accueilli.
Les parties doivent entamer des discussions afin de déterminer une réduction raisonnable des frais de logement et le Ministère doit mettre ladite réduction en œuvre le plus tôt possible. Au cas où les parties ne parviennent pas à s’entendre sur une réduction raisonnable, elles doivent en informer le Secrétariat du CNM dans un délai de 90 jours suivant la date de la lettre de décision, et la question sera renvoyée au Comité exécutif en vue d’une détermination.